Une bouteille à la mer
Parce que parfois les mots des autres sont en phase avec les miens.
Ce texte a été trouvé sur Le Monolecte
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Message in a bottle...
Quand j'étais gosse, comme beaucoup de gosses, d'ailleurs, j'aimais les lancés de ballons rouges avec des cartes postales attachées dessous. J'aimais l'idée d'envoyer un message à un autre gamin du bout du monde, à tisser un lien fragile entre les peuples, même si, en vérité, mes mots ont surtout dû ensemencer le champ du voisin.
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Photo magnifique de Jordan_K | Iordanis
Keramidas sur Flickr
J'ai même balancé des bouteilles à la mer, ce qui a bien dû faire plaisir à
des plongeurs|nettoyeurs de plage en terme de gestion de déchets. Je n'ai bien
sûr jamais reçu de réponse à aucune de ces tentatives, mais le pouvoir
évocateur du message abandonné aux caprices des courants, qu'ils soient marins
ou aériens est toujours aussi puissant pour moi.
Aujourd'hui, l'envie de communiquer avec l'inconnu du bout du monde est plus
forte que jamais... J'ai Internet comme outil et les courants électroniques
comme vaisseaux de mes pensées.
Internet est grand et je suis toute petite
Mais je peux envoyer un message au peuple iranien, en me disant qu'au gré des liens et des rétroliens, des traductions plus ou moins précises, il finira bien par en recevoir quelque chose.
Parce qu'aujourd'hui, nous, la piétaille des peuples de la Terre, nous avons
enfin la possibilité de nous parler, de communiquer en dehors de nos
gouvernants.
Parce qu'aujourd'hui, je n'en peux plus de voir colporter sur les ondes
officielles des horreurs dites en mon nom.
Parce qu'aujourd'hui, je ne peux accepter que des dirigeants se targuant de la
légitimité d'une démocratie corrompue par les noces monstrueuses du pouvoir, de
l'argent et des moyens de communication, se permettent de promettre mille morts
et mille souffrances en mon nom.
Parce qu'aujourd'hui, ceux qui ont été élus sur la base de promesses creuses
dévoilent leur plan véritable et que celui-ci se propose d'aller porter la
guerre, la mort et la souffrance en terre étrangère en mon nom.
Parce qu'aujourd'hui, on ment en mon nom, comme au nom de tous mes
compatriotes.
Parce qu'aujourd'hui, on présente le peuple iranien comme un ramassis de
terroristes qui ne pensent qu'à nous menacer avec une bombe nucléaire aussi
tangible que les ADM de Saddam Hussein, quand bien même Mohammed ElBaradei, de
l'AIEA confirme que le pouvoir iranien a toujours cherché une solution
pacifique à la crise, quand bien même nous pouvons estimer notre propre force
de frappe à 346 têtes nucléaires.
Parce qu'aujourd'hui, le french doctor jette le masque et promet le
pire en notre nom, à un peuple qui a pour principal défaut d'être assis sur une
énorme réserve de cette ressource noire que la planète entière convoite.
Parce qu'aujourd'hui comme hier, je crois la guerre n'est que l'affaire de
quelques cyniques qui œuvrent pour leur profit personnel et que la grande
majorité des peuples s'en passerait fort bien.
Internet est encore plus vaste que le ciel et plus profond que les océans, mais j'ai la certitude que, contournant tous les barrages électroniques mis en place par les cyniques qui souhaitent nous dresser les uns contre les autres, nos milliers de petits messages ont cette fois une bonne chance d'arriver à destination. Que dans quelques heures ou quelques jours, quelque part à Téhéran (تهران), Kermanshah (کرمانشاه), Esfahan (اصفهان) ou Zahedan (زاهدان), quelqu'un finira par tomber sur mes mots ou ceux d'un autre et aura ainsi confirmation que Bernard Koushner ne parle pas au nom du peuple de France, mais seulement de quelques va-t-en-guerre qui ont besoin de relancer leur business de mort.
Internet est grand et je suis toute petite, mais nos mots défient l'espace et le temps. Internet est vaste et insondable, mais bien moins que la connerie des hommes qui construisent leurs rêves de richesse et de pouvoir sur le sang des autres. Internet n'est pas un océan qui nous sépare, mais une toile qui nous lie et nous permet de transcender l'espace, le temps et le fossé des langages et des cultures. Aujourd'hui, je peux partager avec un ami du bout de la Terre mes pensées, mes photos, ma musique.
Alors, je peux bien dire à l'Iran que Sarkozy et Koushner ne sont pas plus la France que Bush et Rumfeld ne sont les Etats Unis, que ces gens sont arrivés au pouvoir sur la base de promesses creuses de prospérité pour chacun (et non pour tous), que chez nous comme ailleurs, il y a des télés-Milles-Collines qui nous enseignent la peur et la haine de l'autre et que chez nous comme chez eux, nous aspirons principalement à cultiver notre jardin et à y regarder nos enfants pousser.
Internet est tellement vaste qu'il peut relier tous les hommes entre eux et que nous n'avons plus besoin de personne pour parler en notre nom. Ces conflits que l'on cherche à nous faire éclore dans la tête ne sont pas les nôtres, mais ceux de quelques grandes transnationales de l'énergie et des armes, qui financent des médias-poubelles et des gouvernements fantoches, partout.
C'est pour tout cela qu'aujourd'hui j'écris au peuple iranien, ainsi qu'à tous les autres qui ont à souffrir du ramassis de cyniques qui nous sert de gouvernants, c'est pour cela que j'espère aussi que d'autres sur la toile en feront de même, et de plus en plus, jusqu'à déferler et balayer la pensée creuse dominante.
Internet est grand et je suis toute petite. Mais le pouvoir des mots est plus grand encore et peut jeter des ponts au-dessus des abîmes d'incompréhension et de haines creusés par une poignée d'entre nous.
Voici mon message.
Puisse-t-il circuler partout.
Puisse-t-il surtout en inspirer d'autres.
Beaucoup d'autres.
Par Agnès Maillard le mardi 18 septembre 2007, 09:46
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